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Street Fighter 5 – Le business model expliqué (et pourquoi vous devriez vous réjouir)

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Les annonces de ce weekend concernant Street Fighter 5 ont fait du bruit. Un Street Fighter 5 avec un unique disque, dont le contenu sera mis à jour régulièrement… Et il sera possible de débloquer du contenu DLC, notamment des personnages, en jouant ? Mais quelle est donc cette diablerie ?!

Le cortège de réactions accompagnant ces annonces reflète bien la nouveauté que cette approche représente. D’un coté les enthousiastes y voient la fin d’une époque qui n’a que trop durée et saluent l’équilibrage gratuit pour tous et tant pis s’il faudra passer par du DLC faute de temps pour tout débloquer. Les autres, méfiants et plus économes, y voient l’arrivée d’une économie malsaine inspirée des mauvais free to play et pleurent déjà leurs boites de jeux.

Il est donc temps de prendre un peu de recul et de décrypter les choix de Capcom. Comme nous allons le voir, tout le monde a probablement plus à y gagner qu’à y perdre.

Fin de la dictature du disque

Évacuons d’emblée l’argumentaire des collectionneurs de boites qui, en 2015, n’ont toujours pas compris que leur époque était révolue. Oui il n’y a aura qu’une seule boite et non, ce n’est pas un scandale. Nous sommes pourtant les premiers à nous réjouir d’une édition Game of the Year d’un jeu de combat ayant eu des DLC mais quand la longévité d’un titre s’étale sur des années et de multiples itérations, cette stratégie est aussi pire que pas de boite tout court.

Doit-on rappeler qu’en sept ans, Street Fighter 4 a eu quatre versions, laissant sur le carreau une partie de son public, scindant sa communauté en ligne à chaque itération ? Cet acharnement a conduit BlazBlue à un total de cinq sorties en boite sans compter la version juste annoncée. Arc System Works incarne d’ailleurs bien la dérive de ce système, cumulant des versions boites agrémentées de DLC au lancement pour avoir le jeu complet. DLCs ajoutés sur le disque suivant, donnant la sensation de jeter de l’argent par les fenêtres.

Aussi l’annonce d’une unique version n’est pas seulement dans l’ère du temps, c’est un choix bien plus sain que de perpétuer une tradition vieille de 20 ans. D’une part car le disque de Street Fighter 5 ne perdra pas en valeur même des années après l’avoir acheté, il restera le point de départ de tout joueur voulant s’y mettre. D’autre part le jeu en ligne sera le même pour toute la durée de vie du titre, restera unifié et chaque joueur, qu’il achète/débloque ou non de nouveaux personnages, pourra bénéficier des dernières corrections de bugs ou d’équilibrage sans avoir à ressortir la carte bancaire.

Une boite = une garantie qualité

Aussi énervant soit-elle pour les collectionneurs de plastique, l’existence d’une unique version boite initiale est également une déconvenue pour ceux qui voyaient déjà le jeu de combat dans le moule du free to play et s’attendaient à ne rien débourser ou presque.

Rappelons le, un free to play est gratuit au début uniquement. Rapidement le développeur doit trouver un moyen de gagner de l’argent via divers moyens plus ou moins moraux et c’est souvent ce qui en fait une expérience désagréable. L’existence d’une boite comme point de départ est la meilleure décision que Capcom pouvait prendre : en se garantissant un retour sur investissement traditionnel et rapide via la vente d’un BluRay, Capcom n’a pas besoin de recourir à des méthodes douteuses pour engranger rapidement du cash et recouper les frais de développement de son titre.

Mieux encore : en ne faisant qu’un seul disque et si décision est prise de ne jamais baisser son prix, Capcom s’assure un revenu constant par la voie traditionnelle, tout comme le fait Nintendo qui refuse toujours de brader ses titres… Vu qu’ils n’ont pas de suites et ne perdent donc pas en valeur. C’est donc moins de frais de distribution et d’édition, plus d’argent dans les caisses et moins de raisons de se moquer de l’acheteur.

Et comme le contenu du jeu n’est jamais déprécié, il y a d’autant moins d’incitation à la revente, ce qui signifie moins d’exemplaires dans les bacs d’occasion et plus de ventes en neuf sur la longue durée. Cela énervera les plus fauchés, mais les acheteurs eux, en bénéficieront le plus. En résumé garder cet équilibre entre distribution traditionnelle et fin d’une pratique abusive est probablement ce qui est meilleur pour tout le monde.

Pas un free to play

Et la possibilité de débloquer du contenu en jouant ? L’idée est séduisante, surtout quand on pense aux personnages traditionnellement vendus en DLC après la sortie d’un titre. Mais elle est également vue comme une hypocrisie par certains qui redoutent de passer des centaines d’heures pour débloquer un pauvre combattant, rendant de facto l’achat obligatoire et plus rentable. Encore une fois un juste milieu serait bien plus profitable à Capcom comme à ses clients.

Revenons tout d’abord sur le modèle traditionnel du jeu compétitif. Dans ce modèle, rien n’a plus de valeur qu’un personnage. Il est la clé de voute du jeu, encore plus dans un jeu de combat. La règle de base est donc d’obliger les gens à les acheter et pour leur faire plaisir, une monnaie virtuelle gagnée en jouant permet de s’acheter un petit costume de temps à autres.

Mais – surprise ! – c’est l’inverse qui a été décidé : les personnages plus quelques DLC cosmétiques seront déblocables via les devises gagnées (appellée Fight Money). Le reste des DLC cosmétiques (mais aussi les personnages donc) sera probablement payants via la seconde monnaie qu’il faut acheter, les Zenies.

Pourquoi un tel revirement dans un modèle économique pourtant bien rodé chez les autres ? Parce que les jeux de combat ne sont pas comme les autres. Un modèle à la League of Legend repose sur le besoin de diversité dans une équipe et la lassitude éprouvée en jouant un personnage. Tout cela incite à en acheter d’autres pour renouveler l’expérience.

Pour la vie

Or s’il y a bien une chose que les joueurs de jeux de combat ne font pas, c’est changer de personnage. Pire : ils gardent le même pendant des années pour se perfectionner. Il faut donc se rendre à l’évidence que baser les revenus de son futur jeu de combat sur la vente de personnages est utopiste et casse-gueule. Capcom a donc fait le choix le plus logique : puisque les joueurs ne vont pas systématiquement acheter les nouveaux personnages, autant les laisser les débloquer en jouant au jeu.

Car plus un joueur passe de temps sur le titre pour débloquer un nouveau personnage pour lequel il ne veut pas payer, plus il y a de chances qu’il finisse par faire un petit achat compulsif pour son propre personnage. Capcom sachant ses joueurs loyaux envers leur combattant, il n’y à qu’à jouer sur cet aspect pour faire de l’argent.

La vente ou le déblocage de personnages n’est donc plus une fin en soi, mais un moyen qui augmente l’exposition au contenu additionnel payant. Pourquoi dépenser de l’argent pour ce relou de Blanka quand on peut l’obtenir gratuitement ? Autant dépenser l’argent économisé dans ce costume transformant Sagat en cone de glace à la vanille !

Et pour faciliter ces achats, rien de tel qu’une devise qu’on a déjà payé en amont sur le PSN/Steam, devise acceptée uniquement dans le magasin in-game où l’achat se fait en deux pressions de bouton, sans rentrer d’informations de carte bancaire. Tout comme l’argent restant sur un compte PSN encourage à acheter un petit DLC pour vider le compte, avoir de la monnaie en poche dans Street Fighter 5 poussera au crime.

Tout est question d’équilibre

Dans les faits donc, Capcom n’a à priori aucune raison de rendre trop difficile le déblocage de ses personnages ou d’imiter un free to play stupide. Une expérience trop frustrante résulterait en l’abandon du jeu et donc moins d’exposition aux DLC optionnels, donc moins de revenus. Mais un déblocage trop simple aurait le même effet.

L’important pour Capcom n’est pas de faire jouer une énorme quantité d’heures mais de faire revenir ponctuellement ses potentiels acheteurs, pourquoi pas chaque jour ou chaque semaine au minimum. C’est donc l’amusement et la qualité des actions demandées pour engranger de l’argent qui sont importantes et qu’il faut surveiller.

Car si tout le déblocage repose sur la répétition d’un même mode de jeu une centaine de fois, le système ne fonctionnera pas et là, les joueurs auront raison de crier au scandale. Alors que des défis tels que jouer un personnage spécifique, réussir un combo d’une certaine longueur ou gagner un certain nombre de matchs – le tout renouvelé régulièrement – sont plus intéressants pour un joueur qui y trouvera aussi bien une méthode d’entrainement et de progression qu’un bénéfice réel lui permettant d’étendre le contenu de son jeu.

Reste à attendre plus de précisions sur tout ces éléments mais vu la lucidité et l’intelligence (surprenante vu le passif) des équipes de Capcom sur Street Fighter 5, on a vraiment envie de croire que pour une fois, on ne sera pas déçus.

Hors sujet mais pas trop : on vous conseille le visionnage du panel Street Fighter 5 de l’EVO. Beaucoup d’informations intéressantes sur la conception du jeu.

Publié par

Neithan

Neithan est le fondateur et grand chef de Bas Gros Poing. Quand il n'est pas en train de parler de sa passion pour Guilty Gear il se prend à croire qu'il peut changer le monde et manger des gateaux. (╯°Д°)╯︵ ┻━┻

3 réflexions au sujet de « Street Fighter 5 – Le business model expliqué (et pourquoi vous devriez vous réjouir) »

  1. (je vais faire plus court ce coup-ci)

    Alors oui, un grand oui à Capcom sur le concept présenté…

    Mais je dois admettre avoir peur de l’équilibrage du modèle économique. Traditionnellement, ces économies valorisent le temps de jeu global et non la performance in-game, avec effectivement pour objectif de faire passer le joueur impatient par la case porte-monnaie.

    Si la notion de temps de jeu est utilisée, elle ne peut être « juste ». En jouant 8 heures par semaine, j’ai autant envie de la skin de Sakura que le mec qui passe sa vie sur le jeu et quid du copain qui ne jure que par Ryu ? Doit-il nécessairement importer son compte pour jouer avec « son » costume ?

    Si la performance est valorisée, le défi n’en sera que plus grand mais ai-je envie de me taper ces défis pour avoir ma skin et mon pote alors ? Si gagner des matchs me donne des points, le dérèglement du système sera aisé (« Hey ! Qui me laisse gagner 153 matchs, je veux la nouvelle skin de Sakura ! »).

    A l’instar de DoA, je crois qu’il faut bannir l’idée d’avoir le jeu intégrant tout le contenu disponible en ligne. Capcom peut inonder le joueur de tunning divers et variés.

    Dans les faits, l’évolution va dans le sens du temps et se permet même de regarder au loin en prenant comme base LoL ou HearthStone et en adaptant leurs modèles respectifs au genre.

    Oui c’est la fin du époque mais on le sait depuis la présentation du jeu et sa non-disponibilité en arcade fut-ce sur Nessica.

    Donc le concept oui, mais on s’en fout du concept, c’est l’application de celui qui va compter.

    Au final, avant de dépasser le budget investi dans SF4 (itérations x packs de costumes x plateformes), j’ai de la marge.

    (oui, tout cela pour poster « ça »)

  2. Si un personnage long à débloquer se verra très puissant lors des affrontement en ligne et les tournois alors la plupart des joueurs seront obligés de payer pour le débloquer rapidement sinon ils se font écraser en ligne. Ça va ressembler à un « pay to win » à la longue.

  3. Après faut attendre de voir comment ça marche avant sur les jeux de baston fallait débloquer les personnages (Tekken 5,Capcom vs Snk 2,ou dernièrement MvC 3 )

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