Katsuhiro Harada n’est pas qu’un rigolo qui se déguise en yakuza pour tuer Yoshinori Ono à coups de boite de Tekken pendant que ce dernier dort, c’est aussi le meneur de la team à l’origine de Tekkenet l’homme qui dirige d’une main de maître la série la plus rentable de l’arcade au Japon. Edge a fait une interview du monsieur que nous vous avons traduite ci-dessous. Harada y donne son avis a sur de nombreuses choses : l’importance de l’arcade pour faire évoluer un jeu dans le bon sens, pourquoi Street Fighter 3 fut un échec public, ainsi que sa peur (!) passée des cross-overs.
- Quel est la différence principale avec le premier Tekken Tag et le reste de la série ?
Dans le précédent Tekken Tag, nous étions limités d’un point de vue technologique. Nous devions nous limiter à deux combattants à l’écran au même moment. Maintenant que nous pouvons avoir jusqu’à quatre personnages à l’écran nous pouvons créer une expérience de jeu plus poussée mais aussi plus agréable.
- Utilisez-vous un nouveau hardware ?
C’est le cas en effet. Le précédent hardware appelé 347 a été remplacé par ce que nous appelons le 369, mais ils sont presque semblables. Il y a la même quantité de mémoire et le même CPU. (Si vous vous demandez quelle est la vraie différence, Harada tente de l’expliquer ici.)
- Vous avez refait les modèles 3D des personnages pour TTT2. Comment avez-vous fait pour ne pas compromettre leurs particularités.
Vous n’avez pas idée de la difficulté que cela représentait et représente toujours ! Je suis encore indécis. Dans l’ouest le photo-réalisme est le standard sur les derniers jeux. Tekken n’a jamais été photo-réaliste. De l’autre coté vous avez des jeux comme Street Fighter et Guilty Gear dont le charisme vient de la direction artistique et de leur coté animation.
Mais Tekken dans tout ça ?
C’est une question difficile et il n’y a pas de vraie réponse. C’est un mix de CG et de design très japonais. Donc changer les modèles, les amener à un nouveau palier [graphique], est un processus très difficile qui ne devrait pas géner les fans. La qualité des modèles 3D a été nettement améliorée, mais je suis sur qu’il y aura des gens qui n’aimeront pas cette nouvelle approche. Nous travaillons toujours sur ces modèles, donc la version finale sera soit un peu plus réaliste, soit un peu plus typée animation.
- Pourquoi ce changement soudain pour Heihachi (il a rajeuni) ?
Réponse de Harada : Mort du doubleur et dans l’histoire Heihachi a bu une potion magique qui lui a rendu sa jeunesse. (lulz)
- La popularité des jeux de baston en arcade semble faiblir, pourquoi selon-vous ?
Je pense qu’il y a eu un boom du jeu de baston. La PlayStation était sans doute un acteur important là-dedans. Dans une période très courte nous étions inondés de tas de jeux en 2D et en 3D, puis Street Fighter a disparu pendant presque dix ans. Dans cette période, Virtua Fighter et Tekken ont continué d’être renouvelés en arcade.
Je parlais avec Ono de Capcom l’autre jour à propos de Street Fighter, et comment la franchise a vraiment atteint son sommet avec SF3, comment l’équipe avait fait tout ce qu’il était possible de faire avec la franchise à cette époque. Il y avait des tas de techniques dans le système de jeu, mais cela devenait une barrière pour les potentiels nouveaux joueurs. C’est comme le sport : c’est cool à regarder, mais comme vous n’avez aucune chance de battre un pro, ce n’est pas fun d’aller contre eux. Ce problème est devenu de plus en plus présent.
Les jeux de baston sont sévères, car la moitié des joueurs perdront mathématiquement parlant. SF3 montait ce taux à presque 80%. Il était vu comme le meilleur que ce qu’un jeu de baston pouvait offrir, mais était très exclusif, réservé à peu de gens. Vous payez 100 yens, et vous perdez. C’est devenu de plus en plus visible dans le genre baston, et le résultat était prévisible. Tekken a survécu parce qu’en un sens, c’est un jeu qui parodie un jeu de baston. J’ai souvent été critiqué parce que de Tekken 1 à 3, il était presque possible de gagner en faisant n’importe quoi sur la manette. Vous pouviez faire beaucoup de dégâts avec juste un un coup, et les gens râlaient quand ils étaient battus parce que l’autre avait fait ce coup précis. C’est toujours le cas dans Tekken 6 quand les gens qui mènent le combat perdent à cause de leur énervement. Du point de vue d’un bon joueur, c’est vu comme étant un accident possible. Du point de vue d’un joueur débutant, cela leur laisse la possibilité de battre de bons joueurs. Vous jouez 20 parties et en perdez 19, mais vous avez toujours une chance de gagner une seconde fois.
Je pense que cela a été la clé de la survie de Tekken et de sa popularité au fil des versions. C’est pourquoi quand SFIV est sorti, il n’était pas la continuation de SF3, il revenait à SF2. Ono m’a dit que pendant ces dix années de silence il avait étudié Tekken pour comprendre les raisons de son succès. Il a réalisé que Street Fighter devait être plus simple, pour laisser la porte ouverte aux nouveaux joueurs. C’est pour cela que SFIV est un succès aujourd’hui. Pour avoir une pyramide, il faut base large. Si vous ne l’avez, alors il n’y a pas de pyramide, et c’est une des raisons pour lesquelles Tekken est resté aussi actif sur le marché.
- Est-ce pour cela que Tekken X Street Fighter est désormais possible ?
Oui clairement. Le plus fou avec Street Fighter, c’est que dès qu’il est redevenu populaire, tout le monde a dit que le boom des jeux de baston était de retour. J’ai réalisé à quel point cette franchise avait un pouvoir. Les américains sont bons à Street Fighter alors que les européens sont meilleurs à Tekken. C’est très excitant car permet d’opposer les deux communautés sur un terrain commun. En plus de cela il y avait eu beaucoup de rumeurs concernant des mélanges de franchises, comme Tekken vs Virtua Fighter pa exemple. Il y a eu Capcom vs SNK, mais on m’a dit de ne faire une chose pareille qu’en dernier recours car une fois le buzz disparu, c’est terminé. J’ai donc toujours voulu éviter un projet semblable, pour moi c’était un tabou.
Mais après j’ai réalisé que Street Fighter existait depuis 20 ans, Tekken depuis 15, chaque série ayant un nouveau jeu après le précédent, alors il n’y avait pas de raisons de craindre la fin de quelque chose. Notre priorité est de répondre aux demandes de nos fans. Dès que nous avons commencé à en parler, les gens étaient excités, donc je pense que c’est une bonne idée. Et via Street Fighter IV, Street Fighter est devenu plus compatible avec Tekken, permettant un cross-over.
- Aujourd’hui, la plupart des séries de jeux de baston ont abandonné l’arcade, mais Tekken continue d’y faire ses débuts à chaque nouvel épisode. Pensez-vous que c’est un secteur important pour la franchise et pour Namco ?
C’est en effet un marché où il est difficile d’être, en particulier récemment. Le marché public est un endroit où l’on achète le jeu et c’est tout. L’arcade c’est la pièce, une pièce de 100 yens. Si un jeu ne plait pas lors de la première partie, c’est fini. C’est un endroit difficile mais important pour apprendre. On pourrait mettre Kuma de chaque coté dans Tekken et avoir un jeu parfaitement équilibré, mais ça ne serait pas très fun. Le vrai équilibre se trouve entre le fun et les statistiques qui composent les personnages, et pour maîtriser tout ça, il n’y a pas de meilleur endroit que l’arcade. Vous ne pouvez pas trouver de meilleurs beta-testeurs que les gens en arcade car ils comprennent vos problématiques.
Pour avoir un bon équilibrage, vous sortez un jeu et vous recevez des retours. Ensuite vous faites une mise à jour basé sur ce que vous avez appris. Cela peut-être fait via une mise à jour en ligne ou ce que nous appelons une mise à jour majeure, qui n’est rien d’autre qu’une nouvelle version du jeu comme le furent Dark Resurection ou Bloodline Rebellion. Vous créez en premier lieu un concept fort et vous laissez les gens taper dessus. Ce qu’il en reste est poli, arrondi dans les angles. Ce résultat, c’est ce que vous offrez aux joueurs consoles, c’est notre manière de faire. Donc oui, l’arcade est très importante pour nous et spécifiquement pour la franchise Tekken.