Preview – Touhou Shinkirou – Hopeless Masquerade

Le 30 décembre dernier sortait la démo de Touhou 13.5 : Touhou Shinkirou – Hopeless Masquerade (téléchargeable ici), dernier-né d’une série qui en est mine de rien à son quatrième jeu de baston. Après deux épisodes très critiqués, l’éditeur Tasofro n’aura une nouvelle fois pas lésiné sur les audaces de game design, tout en maintenant une certaine continuité avec les mécaniques introduites dans les précédents opus. Reste à voir ce que tout cela donne stick en main.


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Pour ceux qui ne connaitraient pas la licence Touhou Project, il s’agit avant tout d’une série de manic shooters dans un univers mignon-tout-plein, teinté de références mythologiques à la sauce loli. Réalisée de A à Z par un seul homme se faisant appeler ZUN, la série connait à partir du 6ème épisode en 2002 un succès fulgurant après des fans de doujin games, après 5 premiers jeux diffusés de façon plus confidentielle. Porté par une communauté de fans nombreux, créatifs et hyperactifs (d’aucuns ajouteraient envahissants), le succès est tel que la communauté possède désormais son propre festival, en sus de sa présence massive à chaque Comiket, la grande foire au doujin bi-annuelle.

Sur les 20 jeux officiels Touhou sortis à ce jour, 3 n’ont pas été réalisés par ZUN mais par Tasogare Frontier, alias Tasofro. Il s’agit tous trois de jeux de combat atypiques dont on retrouve les principaux éléments de gameplay dans Hopeless Masquerade, à savoir :

  • Tous les personnages disposent, en plus de leurs normaux et spéciaux, de boutons de projectiles qui permettent de spammer les boules comme s’il s’agissait d’un coup normal.
  • Le spam est toutefois limité une jauge de spirit qui se régénère très rapidement, et fait également office de jauge de guard crush.
  • Il n’y a pas de mix-up au sens où on l’entend d’ordinaire, la seule véritable ouverture de garde étant le guard crush.
  • Un certain nombre de mouvements, en particulier les dashs, ont des frames dites de « graze » qui les rendent invulnérable aux projectiles.
  • Ainsi le traditionnel triangle coup/projection/garde, qui fonde l’équilibre de tous les jeux de combat, est ici remplacé par un triangle coup/projectile/graze autour duquel va s’articuler toute la stratégie à mettre en œuvre.

Le premier jeu, Immaterial and Missing Power, était très réussi mais s’est avéré exigeant, peu accessible et un peu aride pour ceux qui rêvaient d’un cast pléthorique issu de l’univers Touhou. Aussi Tasofro, dont l’équipe s’est profondément renouvelée entre temps, va adopter une approche nettement plus casual en réalisant Scarlet Weather Rhapsody et plus tard son add-on Hisoutensoku.

Les mécaniques introduites, comme la possibilité de planer en état de graze ou l’ajout d’une roll cancel à la Kof quasi-gratuite, sont faites pour rendre le jeu plus libre et moins rigide, mais dans le même temps détruisent l’équilibre du jeu au point que les joueurs plus compétitifs d’IaMP voient dans SWR un party game davantage qu’un jeu de combat légitime. Le divorce entre les fans de l’univers Touhou, qui adulent le jeu, et les fans de jeu de baston, qui le haïssent, est consommé.

La première chose que l’on remarque dans ce Touhou 13.5, c’est la disparition du sol : le jeu se déroule intégralement dans les airs. Pas question toutefois de se déplacer librement dans toutes les directions : les personnages sont liées à un axe horizontal et doivent « sauter » vers le haut, le bas ou en diagonale pour s’en extraire. Une fois que le personnage a sauté, il retombe doucement vers l’axe central et peut légèrement orienter la trajectoire de sa chute vers l’avant ou l’arrière. Bien entendu, le saut peut être interrompu par un dash à tout moment.

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A noter que les sauts grazent au début de leur animation, tandis que les dashs sont invincibles aux projectiles pendant toute leur durée, permettant de se déplacer aisément à travers le mur de projectiles adverse.

Le jeu se joue à 6 boutons : un coup fort et faible, un projectile fort et faible, ainsi que deux boutons de spéciaux. Tous les personnages peuvent enchaîner coup faible>coup fort>projectile faible>projectile fort>coup spécial et de nombreux coups wallbouncent, offrant un large panel de combos possibles. Pour éviter les abus, un système de stun a été introduit : chaque coup subit dans un même combo remplit une jauge de stun qui une fois pleine, immobilise le perso pendant quelques secondes tout en le rendant invincible à toutes les attaques, sauf aux furies (j’y reviendrai).

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Hopeless Masquerade introduit un système de customisation de perso largement inspiré de celui déjà présent dans SWR. Avant chaque combat, les joueurs doivent allouer des cartes à un des deux boutons de spécial plus une direction, pour un total de 8 slots disponibles. On trouve 4 sortes de cartes :

  • Les coups spéciaux. De la même façon que le Hadoken de Ryu possède une version faible, moyen et fort, certains coups spéciaux existent en plusieurs versions qui vont dépendre de la direction allouée. Il faudra donc parfois réserver 3 à 4 slots au même coup spécial pour accéder à toutes ses versions. En match, les cartes de spécial peuvent s’utiliser à volonté tant que la jauge de spirit le permet.
  • Les Spell Cards, qui sont les furies du jeu. Pour pouvoir être utilisées, il faut d’abord faire disparaître la partie blanche de sa barre de vie qui diminue au fur et à mesure que l’on inflige et reçoit des coups.

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  • L’utilisation des Spell Cards se fait en deux temps : en appuyant une première fois sur le bouton alloué, on déclare la Spell Card ce qui a pour effet de bloquer le timer pendant une quinzaine de secondes. Appuyer une deuxième fois lance la furie et refait passer sa barre de vie en blanc. Il y a donc deux façons d’utiliser les Spell Cards : soit déclarer à la zob en espérant ouvrir la garde dans le temps imparti, soit placer un combo stun qui laisse le temps de déclarer et d’utiliser la Spell Card immédiatement. Les combos stun étant très nombreux dans le jeu, autant dire que la seconde solution sera largement plus utilisée que la première.
  • Les Last Words ressemblent à des Spell Cards en plus puissantes, à ceci près qu’elles se déclarent automatiquement lorsque l’on atteint un score de popularité de 100%. Je reviendrai plus tard sur ce que cela signifie.
  • Enfin les cartes d’objet qui sont communes à tous les personnages. Il y en a pour l’instant 3 : un burst, un coup et un item qui augmente temporairement la régénération de spirit.

La démo s’en tient pour l’instant à 3 cartes d’objet, et pour chaque personnage 4 cartes de spécial, 2 Spell Cards et 1 Last Word. Gageons qu’on devrait voir apparaître beaucoup de nouvelles cartes dans la version complète.

Comme je le disais en introduction, l’ouverture de garde dans les jeux de combat Touhou passe nécessairement par le guard crush. Ici, seuls les coups forts, projectiles forts et spéciaux permettent d’attaquer la jauge de spirit adverse. Et là, on s’aperçoit qu’il y a un gros problème : les dégâts infligés à la jauge de spirit sont ridicules. A titre d’exemple, un enchaînement coup fort>projectile fort>spécial retirera à peine un tiers de la jauge adverse… alors qu’elle videra les deux tiers de la votre ! A ceci s’ajoute la portée ridicule des coups faibles par rapport au recul des différentes attaques qui fait qu’il est juste impossible de maintenir un pressing plus d’une demi-seconde. Le ponpon, c’est que les développeurs ont cru bon d’ajouter un système d’instant block à la Blazblue, qui démultiplie le recul qui de base est déjà beaucoup trop élevé. Résultat des courses : on ne peut tout simplement pas ouvrir la garde dans ce jeu.

Pour éviter que le jeu ne se transforme en foire à la campe, Tasofro a ajouté sous la barre de vie un compteur de popularité, qui va déterminer la gagnant en cas de time over au lieu de comparer la vie restante. La popularité augmente lorsque le joueur presse l’adversaire et réalise un certain nombre d’actions offensives, alors qu’elle décroit en flèche lorsqu’il maintient un peu trop longtemps la touche arrière. Premier souci : la liste des actions qui augmentent la popularité est tellement longue et peu maîtrisable qu’en cas de score proche, on a du mal à comprendre au nom de quoi tel joueur à mieux joué que son adversaire, quand le résultat de certains rounds ne relève pas carrément du vol caractérisé. Mais c’est quand l’écart de popularité se creuse que le système montre toute son absurdité : puisqu’il est impossible de maintenir un pressing dans ce Touhou 13.5, il est tout à fait possible de camper à mort sans avoir à maintenir la touche arrière bien longtemps. Dès qu’on arrive à créer une avance de popularité substantielle, le jeu incite donc à passer le reste du round à tourner autour de l’adversaire… Pire encore : le score de popularité se conserve d’un round à l’autre ! Avec 50 points d’avance, préparez vous à passer 99 secondes à faire du tourisme aux quatre coins du stage.

Terminons ce tour d’horizon par une petite blague : vous vous rappelez des Lasts Words, qui se déclarent automatiquement à 100% de popularité ? Et bien figurez-vous que si vous ne parvenez pas à toucher l’adversaire avec avant la fin du temps imparti, votre popularité tombe à zéro et l’adversaire gagne 50 points. Autrement dit, atteindre 100% de popularité = mourir. La palme de l’humour revenant à Reimu dont le Last Word est…. un contre. A se demander si les développeurs ont seulement joué à leur jeu.

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Vous l’aurez compris, le système de jeu de ce Touhou 13.5 est, à l’heure de cette démo, tellement bancal que je doute que qui que ce soit y trouvera son compte. Tant qu’on la pas la version définitive entre les mains on peut laisser à Tasofro le bénéfice du doute, mais les développeurs vont devoir remonter sérieusement leurs manches s’ils veulent aboutir à quelque chose de dosable au gameplay cohérent. On peut d’ores et déjà être sûr que ceux qui rêvent d’un digne successeur à Immaterial and Missing Power peuvent continuer à rêver.