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Interview de Katsuhiro Harada et Michael Murray

A l’occasion du Toulouse Game Show où ils étaient présents, Katsuhiro Harada et Michael Murray, respectivement producteur et game designer de la série Tekken, nous ont accordé une interview. Après notre première interview à la Japan Expo où nous abordions quelques sujets intéressants, nous avons continué avec des questions aussi diverses que l’Oktoberfest, l’évolution du gameplay des jeux de combat, ou encore leur ressenti concernant la scène arcade.

Yosuke Hayashi a dit récemment (ndlr : fin novembre) que le gameplay dans un jeu de combat n’a pas évolué depuis des années et c’est pour cette raison qu’il veut prendre une direction différente avec Dead or Alive 5. Selon vous de quelle manière les jeux de combat peuvent être améliorés et comment pourrait-on apporter de la nouveauté dans le gameplay ?

KH : Il y a eu des évolutions d’un point de vue graphique, mais il est vrai que les contrôles de base n’ont pas vraiment évolué depuis 10 ans. Il y a une raison à cela, c’est que la physiologie humaine n’a pas évolué ce qui fait que la manière de jouer n’a pas changé. La vitesse de réaction des joueurs n’ayant pas non plus augmenté, le stick ou la manette sont toujours le meilleur moyen de jouer et c’est pour cela que ça ne bouge pas. Pour ce qui est des mécaniques au cœur même du gameplay, si on prend l’exemple des FPS, vous visez quelque chose et vous tirez dessus. C’est la base du gameplay et ça n’a pas changé.

Pour Tekken, avec les différents titres de la licence, les joueurs nous ont dit à plusieurs reprises que le jeu avait changé de manière trop drastique sur différents aspects. Néanmoins, ceci reste un problème de perception. Par exemple, tout dépend de si ces remarques viennent de joueurs qui connaissent le jeu en profondeur ou plutôt d’autres joueurs qui ne font que juste regarder le jeu sans pour autant remarquer les mêmes choses. C’est une des distinctions principales.

Faire évoluer Tekken est une question difficile. Comme la série continue depuis 16 ans et qu’on la met à jour continuellement, on ne peut pas trop la changer car ça ne donnerait peut être pas ce que les fans attendent. Donc si vous voulez la faire évoluer de manière plus conséquente, vous devez vous concentrer sur d’autres points. Comme ce que l’on a fait récemment en collaborant avec Capcom pour Street Fighter X Tekken. Évidement quand ce sera notre tour de faire Tekken X Street Fighter ce sera une chance pour nous de changer la formule plus qu’on a pu le faire avec Tekken.

Avec Tekken on doit garder à l’esprit qu’il y a certaines parties que les gens ne veulent pas que l’on change. Ce que l’on fait, ce n’est pas ce que l’on aimerait faire avec le jeu, mais plus changer les éléments que les fans voudraient voir évoluer.

MM : Étant donné que les jeux de combat consistent à se battre contre d’autres personnes, l’objectif de base est de comprendre ce que l’adversaire est en train de faire et de trouver quelque chose pour le contrer. Plutôt que de le faire évoluer ou de le rendre plus compliqué, je pense qu’il faudrait essayer de rendre le système de jeu plus facile à comprendre et accessible à plus de gens pour qu’ils puissent le maitriser plus rapidement et plus facilement. Ils pourraient alors arriver plus rapidement à l’étape où l’on s’amuse en jouant contre d’autres personnes et apprécier le jeu plutôt que de d’abord devoir surmonter une barrière d’entrée trop haute. Je pense que l’accessibilité est une autre partie sur laquelle il faudrait réfléchir pour les jeux de combat.

Et donc est-ce que vous pensez que l’interaction avec le décor pourrait être une manière de faire évoluer le gameplay des jeux 3D ?

KH : Je comprends tout à fait la question concernant le décor, mais il y a une couche supérieure qui représente les plusieurs secondes entre le début du combat et le moment où on arrive contre un élément du décor qu’il faut d’abord prendre en compte. Je suis personnellement plus intéressé par le mind game et l’anticipation avant d’arriver contre le mur plutôt que d’interagir avec à proprement parler. Donc d’une certain manière, je suis plus intéressé par comment ces éléments de base peuvent changer.

Pour Street Fighter X Tekken, Yoshinori Ono a pris un tas de concepts provenant d’autres jeux et les a combiné ensemble en les remettant au goût du jour. Comme ce sera bientôt votre tour de faire un crossover, quelle est votre opinion à ce sujet ? Pensez vous qu’un crossover entre deux franchises doit forcément être un mélange d’anciennes mécaniques de jeu ou est-il préférable de créer des nouvelles mécaniques comme base pour atteindre un certain équilibre entre les deux licences ? Est-ce que cela permettrait d’éviter des problèmes dus au changement de perspective 2D/3D ?

KH : C’était plus simple pour Street Fighter X Tekken d’emprunter des mécaniques de gameplay provenant d’autres jeux car il est en 2D. Quand on fera Tekken X Street Fighter, étant donné que le jeu est en 3D, les modèles des personnages, les animations, la détection des coups, le rythme du jeu sont fondamentalement différents donc on ne pourrait probablement pas faire ça en prenant une base pour y ajouter différentes mécaniques. Nous ne sommes pas encore sûrs pour le moment de ce que nous allons faire. On doit continuer de faire des recherches sur l’aspect technique mais le choix se portera surement vers la deuxième partie de votre question. Ce sera quelque chose de différent et nouveau, surement quelque chose que l’on a jamais fait.

Mortal Kombat semble beaucoup s’inspirer de mécaniques provenant de Tekken depuis son passage à l’ère 3D. Que pensez vous de cette licence ?

KH : Mortal Kombat est une série de jeux de combat développée par un studio américain pour un public américain et il semble qu’elle ait un gros succès là bas. En ce qui concerne le gameplay, j’ai plus l’impression que c’est un jeu 2D qui partage plus de similarités avec Street Fighter qu’avec Tekken.

D’un point de vue général, au vu de la popularité de Mortal Kombat en Occident depuis des années, il semble que leur équipe soit composée de personnes qui apprécient beaucoup les jeux de combat et qui comprennent suffisamment bien le genre pour en avoir fait une série à succès.

Finissons avec une question plus légère : nous n’avons pas pu vous le demander durant la GamesCom alors que c’eut été approprié, mais dans Tekken, surtout dans le 5 DR et le 6, vous avez pris l’habitude de faire des stages assez délirants. Il y a eu Playroom, le stage de l’amour avec des cœurs partout dans le 5 DR, Hidden Retreat avec ses alpages sauce techno tyrolienne dans le 6, puis Bountiful Sea maintenant avec ses bateaux de pêche et sa musique complètement folle. Donc suivant cette logique de niveaux festifs et loufoques, quand est-ce que vous nous faites un niveau Oktoberfest ?

KH : Un autre niveau en Allemagne ? C’est peut être quelque chose pour lequel les gens pourraient être intéressés étant donné qu’il y a déjà un stage en Allemagne dans TTT2, même s’il n’est pas aussi exagéré que les autres niveaux que vous avez mentionnés. Je pense que ce serait possible de faire un stage Oktoberfest si les gens sont vraiment intéressés. Le seul problème c’est que quand on fait un stage qui représente un certain aspect d’un lieu ou d’un pays en particulier, on est très préoccupés par le fait qu’il puisse offenser les gens parce que cette représentation n’est pas précise et stéréotypée.

Il y a des exemples au Japon, vous avez le shintoïsme, le bouddhisme… vous pouvez en faire ce que vous voulez, les gens s’en fichent. Mais ce n’est pas la même chose dans les autres pays donc j’ai pas mal de réserves à ce niveau là.

Vous avez bien fait Fiesta del Tomate qui est une représentation réelle de La Tomatina. Ca n’a pas forcément besoin d’être stéréotypé pour être dedans.

KH : Tant que les gens n’ont pas l’impression qu’on se moque d’eux, ça pourrait être sympa.

[Les questions qui suivent devaient être utilisées dans une optique de recherche universitaire, ce qui explique pourquoi les intitulés sont un peu particuliers. Ne sachant pas ce que j’en ferai plus tard, je les ai quand même retranscrites. Les réponses intéresseront peut être quelques personnes.]

Est-ce que vous considérez les jeux de combat comme un médium de socialisation ? Est-ce que vous prenez cet élément en compte quand vous développez un jeu ?

KH : Quand j’étais plus jeune et que je jouais à Street Fighter avec d’autres personnes en arcade ou même quand j’ai commencé à développer Tekken, je pensais vraiment que c’était un outil de sociabilisation et de communication un peu comme les échecs, mais ma vision a un peu changé récemment. J’ai réalisé que même s’il y a un public hardcore qui utilise le jeu de cette manière, il y a un public beaucoup plus large qui ne joue pas vraiment contre des gens de manière compétitive.

Ils jouent contre leur frère, leurs amis ou même de manière occasionnelle. Ce pourcentage de personnes est beaucoup plus important. On s’est toujours plus centrés sur le public hardcore qui joue en tournois. Ils sont très importants pour nous mais peut être que l’on aurait besoin de donner un peu plus d’attention à un public plus large et à ce qu’ils attendent de la série.

Pourriez vous décrire des comportements ou des codes typiques de la scène arcade au Japon ou aux États Unis ?

KH : C’est assez difficile de répondre à cette question. Dans le passé quand les salles d’arcade étaient à leur apogée, les règles locales dépendaient du titre en lui même. Tekken avait l’image d’un jeu où l’on pouvait faire ce que l’on voulait, il n’y avait pas vraiment de règle. C’était plus du chacun pour soi. Peut être il y avait-il une atmosphère différente avec d’autres jeux et l’on attendait par exemple de vous de céder un round volontairement, mais c’est quelque chose que je n’ai pas remarqué.

Je m’étais rendu aux États Unis à plusieurs reprises à l’époque où les salles d’arcade fonctionnaient encore très bien. Il fallait se rendre à plusieurs reprises dans un même lieu pour comprendre les règles qui s’y appliquaient. Au Japon, les machines sont face à face et c’est la façon de jouer. Aux États Unis il fallait jouer debout à côté de son adversaire. C’est quelque chose que je n’arrivais pas à comprendre. Si une chose pareille se faisait au Japon, personne ne voudrait jouer au jeu.

MM : Je suis parti au Japon à l’âge de 20 ans quand j’étais à l’université. Je trainais un peu dans les salles d’arcade au cours des premières années et je ne me rappelle pas vraiment qu’il y ait eu de règles particulières. Il y avait ce truc où on mettait une pièce sur le haut de l’écran pour signifier pour qu’on était le suivant à jouer. Comme l’a mentionné Harada-san, si vous jouez côte à côte et que vous êtes meilleur, vous pouviez vous retrouver face à un gros dur qui pouvait vous donner un coup d’épaule pour essayer de vous faire perdre, mais à part ça il n’y a pas vraiment de règles qui me viennent à l’esprit.

Quand j’ai bougé au Japon, Tekken commençait vraiment à prendre, il y avait aussi Virtua Fighter et Dead or Alive en arcade et même Street Fighter, et je n’ai pas vraiment vu des codes particuliers. Peut être parce que je jouais à Tekken, j’avais la même sensation de chacun pour soi dont parlait Harada-san. Je n’avais pas de pression si je perdais un round, c’était assez ouvert en quelque sorte.

Publié par

Atssal

Rédacteur 100% asshole.

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